En mon sens, l’art du tissage étant un art lent, chaque tissage matérialise un temps passé. Un temps pleinement conscient où chaque geste doit être pensé et maîtrisé.
Dans un monde où les choses vont souvent bien trop vite, prendre le temps est une nécessité, un besoin physique, émotionnel et psychologique pour remettre les choses dans la matière, dans notre, dans ma réalité d’être humain.
De nature assez contemplative, j’aime aussi voir les choses évoluer et voir naître et grandir différents projets. J’ai toujours eu une conscience aiguë du temps qui coule… je l’apprécie du plus profond de mon être autant que possible. J’ai donc besoin dans mon travail et dans ma vie de naviguer entre les projets tissés, de différentes dimensions, matières, coloris ; utilitaires, sacrés, artistiques ; tout comme dans mes projets de vie.
Avec mes tentures murales, qui elles n’ont pas vocation à être manipulées, lavées… j’explore un autre aspect dont j’ai fondamentalement besoin, celui d’un tissage « instinctif », avec des éléments de calculs préparatoires réduits au minimum, et le grand plaisir de simplement jouer avec les fils. Répondre à des « visions », des sensations inspirées par la nature, une photographie, une émotion, sous forme de conceptions textiles et entrer en présence avec son ouvrage ou laisser son esprit divaguer loin au rythme des gestes…
Danser avec les fils est définitivement et littéralement une profonde source de joie.
Considérant les fils comme vecteur d’expression depuis toujours, et passionnée par le champ de l’expression, corporelle, orale, écrite, j’ai, vers 24-25 ans, entrepris un cursus universitaire en Sciences du Langage, et ai choisi d’explorer la Langue des signes Française tout particulièrement durant une petite décennie.
Les fils sont restés présents tout au long de ce parcours, en filigrane, au travers de la broderie contemporaine notamment et de nombreux projets restés en tête depuis
Dans un long cheminement, celui que la vie offre, j’ai décidé de retrouver mon médium de prédilection et d’assouvir cette envie puissante d’apprendre un véritable métier artisanal en accord avec mes convictions profondes.
C’est donc auprès d’une tisserande professionnelle passionnante que j’ai balbutié mes premiers lancers de navette et pédalages en 2019 (après avoir fondu en larmes en découvrant son atelier) puis en autodidacte sur mon premier métier à tisser « Dune », en 2021.
Se sont révélées de nouveau toutes ces étapes de travail à adapter à mon propre outil : les croquis, les choix de matériaux, les multiples calculs, le bobinage, l’ourdissage, l’enlissage, l’empeignage, l’attachage, et enfin, le tissage… Un travail en autodidacte très formateur que je complète auprès de professionnels.
Curieuse et passionnée, je découvre et m’exerce également à d’autres techniques. Je cumule plusieurs activités, toutes me nourrissant et se nourrissant les unes, les autres. Les journées sont définitivement trop courtes, comme pour la plupart d’entre nous. Je suis curieuse de la suite, où toutes ces aventures me mèneront, je navigue, entre les tempêtes et les eaux calmes, et c’est ce qui me rend heureuse. Dérouler le fil au fur et à mesure… les surprises de la vie dans toutes ses sphères.
Dérouler le fil au fur et à mesure…